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Ammann Trio / le concert que vous avez encore loupé

Trio Sébastien Ammann, au Contretemps, le 11 mai 2007. 

Je sais, je sais. Nombre d'entre vous pense qu'un trio ne vaut pas le déplacement. C'est d'ailleurs une tendance assez répandue dans le public en général, sauf bien entendu lorsqu'il s'agit d'un must, comme, entre autres, Keith Jarett, qui attire des foules, constituées majoritairement de beaucoup d'autres choses que d'amateurs de Jazz. Tiens, ça me rappelle le boucher de mes parents, qui, en compagnie de Madame, assistait à tous les concerts de Basie, Ellington, ou Ella, mais que je ne voyais à aucun autre. Pourtant ce n'est pas parce que vous êtes bien placés dans la statistique que vous pouvez vous permettre de croire que vous avez raison. Oh, que non! La formule trio, c'est l'occasion rêvée de pouvoir bien détailler la musique (normal, il ne sont que trois, même pour vous, c'est facile, non?), d'apprécier la mise en place, la cohésion, et tout ce genre de choses. D'autant que c'est généralement plus reposant pour votre équipement auditif. 
Et là, le trio a vraiment tout ce que je dis plus haut. Le swing et l'enthousiasme juvénile en plus. Juvéniles, ils le sont sans aucun doute, mais terriblement professionnels. En outre, quand vous saurez comme ils sont venus tôt pour le sound check, pour répéter, vérifier et corriger les mises en place (il a fallu les tirer dehors pour aller manger un morceau), vous regretterez encore plus d'avoir fait l'impasse sur ce groupe. Je ne connais pas beaucoup de musiciens amateurs ou professionnels locaux qui mettent autant de conscience dans la préparation de leur concert. .. 
Un trio, ce n'est pas juste un piano, une basse et une batterie. C'est une entité. Et cette entité nous a fait vibrer toute la soirée. Les thèmes rapides swinguent d'enfer, les ballades restent dynamiques dans la lenteur (essayez voir, si vous y arrivez). Le répertoire est bien équilibré, avec une alternance de thèmes souvent peu connus du public type du Contretemps et de compositions du chef. 
Sébastien Ammann (avec qui je ne suis pas peu fier d'avoir joué quelquefois) domine son piano avec la maîtrise que donne une excellente formation classique et une inspiration qui lui vient incontestablement du Jazz le plus pur (les gens qui veulent montrer qu'ils sont dans le coup diront "II a tout compris!", ce qui, en réalité, veut dire: "Moi, en tout cas, je fais partie des élus."). Est-il nécessaire de vous présenter Manu Hagmann? Le jeune contrebassiste qui n'arrête pas de monter et qui, à chaque fois que je l'entends, a progressé de plusieurs crans dans tous les registres de son instrument? Rodolphe Loubatière, lui, fait partie de ces rares batteurs qui peuvent jouer fort sans que cela fasse du bruit. La technique précise (j'en reviens toujours à ma référence dans le domaine: Billy Higgins) qui permet d'éviter le fatras. 
Que vous dire de plus? C'est avant tout un vrai trio qui n'a pas fini de nous étonner que j'ai entendu, ce soir-là. Par conséquent, il n'y a plus qu'à clamer:"Longue vie au Trio Sébastien Ammann!".


Gérard Cuénou
One More Time / juil. 2007

www.manusound.net